“Dans la baston !” par Chris Pratt
Les premières heures de course lors desquelles nous pouvons avoir l’air d’humains sont enfin venues : se tenir debout, manger, dormir, pisser ; des choses simples dont nous étions privés ces dernières 48 heures. La cause ? Une mer défoncée et une caisse de carbone super bien construite, mais surtout sacrément dure !
J’essaie désespérément de trouver des synonymes, des images qui puissent vous permettre de comprendre ce que l’on vit à bord dans ces conditions. Ça n’est pas pour me plaindre, hein… J’ai choisi d’être là et – même si parfois le sens m’échappe – je chéris ces moments en mer, en course.
Revenons à mes images.
Alors, une m’est venue cette nuit. C’est comme se faire passer à tabac par une bande entière (bon, j’avoue que ça ne m’est jamais arrivé, alors si ça se trouve… rien à voir). Pour le bien de ma démonstration, essayons. Ces conditions, c’est comme si tu te faisais tabasser donc : tu prends des coups de poing, des coups de pied, partout… des coups d’un truc plus dur qu’un pied – ou alors avec des chaussures de sécurité peut-être – et puis, quand tu crois que ça y est, les gars sont partis… Tu relâches ta garde une fraction de seconde. Ta tension musculaire s’estompe un peu… Et là, PAF ! Un énorme coup de latte bien placé, que tu sais pas s’il te faire rire ou chialer…
Nous voilà – quelques bosses et bleus plus tard – ces premières heures au front derrière nous… Dans le front, dans la baston (ah bah voilà, il doit y avoir du vrai dans ce que je vous raconte).
Ha, j’oubliais ! J’ai failli vous faire une « de Broc » les amis ! (NDLR : Bertrand de Broc est un navigateur français célèbre entre autres pour s’être recousu la langue lors du Vendée Globe). Au premier virement de bord, après 4 heures de course, mon menton a heurté violemment le carbone dans une grosse vague. Sans surprise, le carbone a gagné… Sauf quej’avais oublié ma langue entre les dents, quel con ! Le goût du sang pendant quelques heures et l’impossibilité de manger de ce côté-là, mais pas de couture : pour la célébrité, on repassera !
Dans le même genre et pour enfoncer le clou de ma démonstration : cette nuit, il me semble que l’ambiance se calme… Enfin, c’est ce que je croyais. Je me fais chauffer un lyophilisé. Tout fier de moi, je déguste mon machin dans lequel j’ai foutu trop d’eau – en même temps allez doser 400 ml dans 4 mètres de creux ! Quelques cuillères plus tard, le plat est resté dans ma main, pas son contenu (c’est la gravité, je crois). Ma tambouille suit le mouvement d’un atterrissage de vague plus abrupte que les autres, mi-sur le ciré, mi-parterre… Parfait, un petit tour de ménage, c’est juste ce qu’il me fallait ! Ça m’apprendra à faire le fanfaron avec mon lyophal dans une mer démontée…
De digression en digression, j’en oublierai presque le principal. Cet après-midi : gros kif ; le genre qui te ferait presque oublier ces deux jours d’enfer. J’étais à la barre au près, dans 10 nœuds de vent, surfant une belle houle (non, il n’y avait ni soleil ni dauphin – eh oh, c’est pasun film !), un podcast dans les oreilles et l’Atlantique devant nous à perte de vue. Une petite pause bien méritée avant de passer les prochaines heures devant l’ordinateur pour trouver la meilleure voie pour le traverser le dit Atlantique !