SUMMITER DE L’EVEREST !
Mercredi 17 mai 19h40. ''Summit day'' (ou plutôt ''summit night'')
Départ du camp 4, 7 970 mètres à l'assaut du sommet de l'Everest.
Les grimpeurs qui ont effrayé Guillaume sont en réalité un contingent d'une quarantaine de Chinois qui sera facile à doubler dans les premières pentes débonnaires menant au triangle sud-est, le premier gros morceau de l'ascension. Précédé par Ningma, suivit de Fury, Passang et Tchimy, le jeune Sherpa qui rêve de faire son premier Everest, je monte bon train, rattrapant bientôt d'autres marcheurs partis encore bien avant nous. Derrière, Guillaume qui a filmé en vidéo mon départ met les bouchées double pour nous rattraper.
Précédés de seulement 2 frontales, nous débouchons au Balcony, un minuscule col sur l'arête sud-est où le vent d'ouest dont nous étions jusque là protégés nous attaque de plein fouet. Nous décidons d'attendre Guillaume qui ne doit pas être bien loin en dessous dans la ribambelle de frontale qui nous suit. Au bout d'un long quart d'heure qui me semble durer une éternité dans ce froid mordant, nous le voyons déboucher, hors d'haleine. Manifestement, il n'est pas au mieux. Fury lui change sa bouteille d'oxygène déjà bien entamée. Malheureusement, je n'ai pas le temps d'attendre. Ici c'est un peu chacun pour soi et l'effort que nous avons fait pour s'assurer qu'il va bien et nous suit nous a déjà beaucoup coûté. Nous filons sur le fil de l'arête dans la bourrasque qui, loin de s'atténuer comme nous l'avait promis notre routeur, semble se renforcer d'heures en heures.
Les bosses se succèdent. Je suis même surpris par la raideur de la pente par endroit. Il faut véritablement grimper des rochers pour se hisser. Nous nous accrochons aux deux frontales qui nous précèdent. Se sont manifestement de bons grimpeurs et je suis confiant en découvrant que nous arrivons à les suivre. En de très nombreux endroits, la trace a été recouverte par la neige transportée par le vent. La progression ressemble à un combat. C'est très loin de ce que je m'imaginais, dans mes rêves d'un jour sans vent et avec les températures clémentes promises par une mi-mai. Il n'en est rien et les conditions se font franchement hivernales. Au sommet sud, 8 700 m, nous changeons nos bouteilles d'oxygène à moitié vides pour des pleines. Un cafouillage se produit avec Tchimy qui, je l'apprendrai plus tard a manipulé avec brutalité son détendeur et l'a cassé. Avec Ningma, seul Sherpa ''rescapé'' de mon escadre de cinq compagnons, je poursuis vers le haut. L'arête s'est maintenant faite toute fine, en direction du ressaut Hillary qui, ces dernières années, n'est plus une falaise de 15 mètres verticale comme auparavant, mais une succession de roches encastrées. L'ex-ressaut demande tout de même de sérieux efforts à 8 800 mètres ! C'est ensuite comme l'arête des Bosses au mont Blanc : une succession de faux-sommets dont on espère à chaque fois que ce sera le dernier. Mais, avec les frontales qui me précèdent, on découvre toujours une nouvelle bosse.
Jeudi 18 mai 2023. Jour de l'Ascension (dans tous les sens du terme).
4h00. Enfin, un grand rayon de lumière de frontale puissant éclaire des drapeaux de prières, c'est le sommet de l'Everest, le toit du monde ! Alléluia !
Dans un vent qui doit atteindre les 70 km/h et des températures ressenties autour des -50°C, je tombe à genoux un drapeaux de mes partenaires à la main. Ningma réalise un cliché puis deux. Déjà la batterie rend l'âme. Les smartphones ne sont pas conçus pour de telles conditions ! Sans un mot de trop, nous tournons bride et reprenons déjà la trace de la descente…
© Récit : Guillaume Vallot - Photos : Guillaume Vallot / Sherpalaya - droits réservés
Wednesday, May 17, 7:40 PM. "Summit day" (or rather "summit night").
Departure from Camp 4, 7,970 meters, heading towards the summit of Everest.
The climbers who frightened Guillaume are actually a group of about forty Chinese climbers who will be easy to overtake in the gentle slopes leading to the southeast ridge, the first major section of the ascent. Preceded by Ningma, followed by Fury, Passang, and Tchimy, the young Sherpa who dreams of summiting Everest for the first time, I am making good progress, soon catching up with other climbers who started well ahead of us. Behind us, Guillaume, who filmed my departure, is pushing hard to catch up.
With only two headlamps ahead of us, we reach the Balcony, a tiny col on the southeast ridge, where the west wind, which had been shielding us until now, hits us head-on. We decide to wait for Guillaume, who shouldn't be far below us in the line of headlamps following us. After what feels like an eternity in the biting cold, we see him emerging, out of breath. Clearly, he is not doing well. Fury replaces his nearly empty oxygen bottle. Unfortunately, I don't have time to wait. It's every man for himself here, and the effort we made to ensure he is okay and following us has already cost us a lot. We continue along the ridge in the gusting wind, which, far from diminishing as promised by our route planner, seems to be strengthening hour by hour.
The slopes continue to follow one another. I am even surprised by the steepness of the terrain in some places. It's like climbing rocks to ascend. We cling to the two headlamps ahead of us. They are clearly skilled climbers, and I feel confident as we manage to keep up with them. In many places, the trail has been covered by snow carried by the wind. Progress feels like a battle. It's far from what I imagined in my dreams of a windless day and mild temperatures promised by mid-May. That's not the reality; the conditions are truly wintry. At the South Summit, 8,700 meters, we exchange our half-empty oxygen bottles for full ones. There's a mishap with Tchimy, who, I later learn, roughly handled his regulator and broke it. With Ningma, the only Sherpa remaining from my group of five companions, I continue upwards. The ridge has become extremely narrow now, heading towards the Hillary Step, which in recent years is no longer a 15-meter vertical cliff as it used to be but a succession of embedded rocks. The former Step still requires serious effort at 8,800 meters! Then it's like the Bosses Ridge on Mont Blanc: a series of false summits, each time hoping it will be the last. But with the headlamps ahead of me, a new bump always appears.
Thursday, May 18, 2023. Ascension Day (in every sense of the word).
4:00 AM. Finally, a powerful beam of light from a headlamp illuminates prayer flags—it's the summit of Everest, the roof of the world! Hallelujah!
In winds reaching 70 km/h and with wind chill temperatures around -50°C, I fall to my knees, holding one of my partner's flags. Ningma takes a photo, then another. The battery dies quickly. Smartphones are not designed for such conditions! Without a word too many, we turn around and begin retracing our steps for the descent...
© Text and photos : Guillaume Vallot - rights reserved