La redescente jusqu’au camp de base
Nous entamons, 15 minutes à peine après avoir conquis le sommet, la redescente… En effet, au pays de l’oxygène rare, nous ne pouvons pas rester très longtemps, chaque seconde, chaque souffle est une épreuve…
Nous sommes donc sur le retour et peu avant le ressaut Hillary, je me sens soudain pris d'une immense faiblesse, comme asphyxié. Mon Sherpa étant environ trente mètres derrière moi, je demande à un grimpeur qui monte de me relever mon niveau d'oxygène. « zéro » me répond-il laconique avant de reprendre sa marche laborieuse. Le Sherpa qui le suit est un peu plus malin. Il découvre que mon tuyau est débranché. Une fois rebranché, celui-ci me distille le précieux gaz qui va me permettre de rejoindre le sommet sud où des bouteilles pleines nous attendent.
5h00. Le jour se lève sur l'arête sud-est où le vent souffle encore et toujours très (trop) fort. Je réalise mes premières ''jolies'' images du sommet de l'Everest. Car je ne suis pas que là pour cocher une croix, réaliser un rêve, mais aussi pour profiter du paysage. Celui-ci est grandiose, je vois le Tibet avec ses lacs d'eau bleue turquoise, ses étendues désertiques et ses sommets enneigés. En comparaison avec le Népal, la rupture est totale. Je suis étonné autant qu'émerveillé. Mais le temps de la contemplation ici ne dure que quelques instants. Il nous faut filer sur les cordes en direction de la relative sécurité du camp 4, où pendant ce temps, Guillaume qui pense avoir été victime d'un début d'oedème pulmonaire foudroyant a pu récupérer quelques heures et filer, déjà vers le camp 3. Nous croisons Tchimy et Passang qui vont réussir le sommet une heure et demi plus tard, avec un seul masque à oxygène pour deux... En se l'échangeant, un peu comme on le voit en exercice de secours en plongé sous-marine. Je croise aussi un homme prostré au sommet sud. Je n'ose regarder, je n'ose comprendre ni y croire, pourtant je l'apprendrai plus tard, il s'agit d'un autre mort... La descente au camp 4 se passe sans encombre, j'y reste une paire d'heure et c'est reparti pour une fuite échevelée vers le bas, vers les altitudes humaines, vers l'oxygène et la chaleur.
10h00. Au camp 2, je retrouve Guillaume qui m'accueille avec une immense joie. Il a l'air aussi content que moi d'avoir fait le sommet. Tout le monde s'en sort vivant, mieux, indemne. Nous nous racontons avec excitation nos expériences respectives de cette nuit incroyable. Il me dit d'emblée qu'il y a eu une erreur sur la force du vent et qu'avec les températures glaciales inhabituelles, les dégâts chez les débutants vont être importants. Nous apprendrons plus tard, à l'heure du bilan que l'Everest aura connu deux records cette année. Celui du nombre de participants avec 478 permis (côté népalais uniquement la Chine ayant fermé son espace) et celui du nombre de morts et disparus. Nous avons l'impression de l'avoir « échappé belle ». Et le soulagement est à la hauteur. En attendant nos valeureux Sherpas qui démontent les camps 4 et 3 derrière nous, nous buvons et discutons tard dans l'après-midi. Je n'ose dire la soirée car nous nous sommes couchés bien tôt. Demain, c'est en quelques sortes la dernière épreuve : la dernière traversée de l'Ice-fall à la descente.
Vendredi 19 mai. Dernier obstacle et retrouvailles festives au camp de base.
Guillaume avait dit « départ 7h00 pour être sortis de la cascade à 9h00 au moment où le soleil commence à y taper fort ». A 7h30, un fois de plus, nous nous séparons. Je ne suis pas prêt et lui trépigne. Toujours fatigué, nous mettrons moi et Ningma, aux alentours de 4h00 pour rejoindre notre point d’arrivée final…... Lors de cette dernière descente, je jette un coup d'oeil rapide à tous ces séracs, ces crevasses, ces blocs familiers.
Je leur dit adieu sans aucun regret et je passe le plus vite possible à leur côté sans aucun remord. À ma grande surprise, l'itinéraire bifurque franchement juste avant la fameuse et redoutée grande échelle (elle avait finit par être composée de 4 échelles raboutées). C'est maintenant une trace directe entre la quatrième et la troisième zone qui se profile. J'en déduis que toute la zone fragile en aval de la grande échelle s'est effondrée... Vivement qu'on se casse d'ici !
Au camp de base, nous sommes accueillis par une équipe euphorique.
Ils sont tellement fier qu'un de leurs « members » ait atteint le sommet de l'Everest. C'est leur victoire à eux tous. La récompense de tous leurs efforts et engagements depuis plusieurs mois. La construction d'un camp de base confortable c'est eux. La cuisine variée et abondante, c'est eux. La douche chaude sur demande, c'est eux. Les petites attentions quotidiennes, c'est encore eux. Ce camp de base qui n'a rien a voir avec les usines des grosses expéditions voisines mais qui a tout du petit camp accueillant et confortable, son équipe de cuistots rigolos et compétents, c'est devenu notre maison, les Sherpas qui le peuplent notre famille. À mon arrivée, Tashi le chef agite une bière en criant « ZooooÔ !!! » il nous serre dans ses bras, nous passe le Tanka, la traditionnelle écharpe de bénédiction bouddhiste. Tout le monde s'embrasse et boit un coup de gnôle pour fêter la victoire. Je suis un peu sonné par les deux derniers jours et jusque là j'avais du mal à réaliser mon exploit. Il me semble que leur enthousiasme, leur joie communicative a commencé à me réveiller et à me permettre de mesurer ce que j'avais accompli…
© Récit : Guillaume Vallot - Photos : Guillaume Vallot/Sherpalaya - droits réservés
Découvrez le témoignage de Maxime, quelques jours après son retour au camp de base, en direct du Népal, à Katmandu.
Just 15 minutes after conquering the summit, we begin the descent... In the land of thin oxygen, we cannot stay for long. Every second, every breath is a challenge.
We are now on our way back, and just before the Hillary Step, I suddenly feel overwhelmed by immense weakness, as if suffocating. With my Sherpa about thirty meters behind me, I ask a climber who is ascending to check my oxygen level. He replies curtly, "Zero," before resuming his arduous climb. The Sherpa following him is a bit more clever. He discovers that my hose is disconnected. Once reconnected, it starts delivering the precious gas that will allow me to reach the South Summit, where full oxygen bottles await us.
5:00 AM. The sun rises on the southeast ridge, where the wind continues to blow, strong and relentless. I capture my first "beautiful" images of the Everest summit. Because I am not only here to check off a box, fulfill a dream, but also to enjoy the scenery. It is magnificent. I see Tibet with its turquoise blue lakes, vast deserts, and snow-covered peaks. Compared to Nepal, it's a complete contrast. I am both surprised and delighted. But the time for contemplation here lasts only a few moments. We must hurry along the ropes toward the relative safety of Camp 4, where Guillaume, who believes he experienced the onset of severe pulmonary edema, has been able to recover for a few hours and is already heading towards Camp 3. We cross paths with Tchimy and Passang, who will reach the summit an hour and a half later, sharing a single oxygen mask between them... exchanging it, similar to what you see in a diving rescue exercise. I also come across a man hunched over at the South Summit. I dare not look, I dare not comprehend or believe, yet I will later learn that it's another casualty... The descent to Camp 4 goes smoothly. I stay there for a couple of hours, and then it's time to embark on a frantic escape downward, towards human altitudes, towards oxygen and warmth.
10:00 AM. At Camp 2, I reunite with Guillaume, who welcomes me with immense joy. He seems as thrilled as I am to have reached the summit. Everyone made it out alive, and better yet, unharmed. We excitedly share our respective experiences of this incredible night. He immediately tells me that there was an error in estimating the wind force, and with the unusually frigid temperatures, the damage among inexperienced climbers will be significant. Later, during the assessment, we will learn that Everest has set two records this year. One for the number of participants, with 478 permits issued (on the Nepalese side only, as China closed its borders), and another for the number of deaths and disappearances. We feel like we had a lucky escape. And the relief is immense. While we wait for our brave Sherpas to dismantle Camps 4 and 3 behind us, we drink and chat late into the afternoon. I hesitate to call it an evening since we went to bed early. Tomorrow, we face the last challenge: the final crossing of the Icefall on the descent.
Friday, May 19. The last obstacle and joyful reunion at Base Camp.
Guillaume had said, "Departure at 7:00 AM to be out of the Icefall by 9:00 AM when the sun starts beating down hard." At 7:30 AM, once again, we part ways. I am not ready, and he is impatient. Still tired, Ningma and I will take about 4 hours to reach our final destination... During this final descent, I quickly glance at all those seracs, crevasses, and familiar blocks.
I bid them farewell without any regret, swiftly passing by without remorse. To my surprise, the route takes a sharp turn just before the famous and feared big ladder (which ended up being made up of 4 ladders joined together). Now, it's a direct path between the fourth and third sections that lies ahead. I deduce that the entire fragile area downstream of the big ladder has collapsed... Can't wait to get out of here!
At the base camp, we are welcomed by an ecstatic team.
They are so proud that one of their members has reached the summit of Everest. It is their collective victory. The reward for all their efforts and dedication over the past few months. The construction of a comfortable base camp, that's all them. The varied and plentiful cuisine, that's them. The hot shower on demand, that's them. The daily little gestures, once again, it's them. This base camp, which has nothing to do with the factory-like setups of neighboring big expeditions, but has all the characteristics of a small, welcoming and comfortable camp, with its team of humorous and skilled cooks, has become our home, and the Sherpas who populate it, our family. Upon my arrival, Tashi, the chief, waves a beer in the air, shouting "ZooooÔ!" He embraces us, passes us the Tanka, the traditional Buddhist blessing scarf. Everyone hugs and takes a shot of liquor to celebrate the victory. I am a bit dazed from the past two days, and until then, I had trouble realizing my accomplishment. It seems like their enthusiasm, their contagious joy, has started to awaken me and allow me to fully grasp what I have achieved...
© Text and photos : Guillaume Vallot/Sherpalaya - rights reserved