Mon frère

Mon frère, 

Je pose ces quelques lignes à deux jours d’un départ pour un tour du monde, ton tour du monde. Mes pensées oscillent entre peur de te voir partir des mois affronter des éléments si puissants dans ce si petit engin et fierté de te savoir au départ de cette mythique course. 

Peut-être par déni et plus assurément par protection, j’essaie de ne pas imaginer l’ensemble des dangers auxquels tu vas devoir faire face. Comment un Homme peut-il partir seul dans cette immensité du globe dont nous n’arrivons même pas à imaginer sa grandeur ? 

S’il y a bien un être humain capable de cela, c’est toi ! Depuis mes plus vieux souvenirs, tu as toujours été si solide et talentueux et à la fois si tendre et sensible. Ce n’est pas pour rien que tu arrives à faire corps avec ce si joli dragon. Ton ingéniosité et ta persévérance font de toi, une personne qui ne lâche jamais rien et Dieu sait ce qu’il faut sacrifier pour se retrouver là où tu es aujourd’hui. Je crois qu’il y a une chose qui me fait fantasmer c’est ta capacité à forger ton mental au fil de tes passions mais également à embarquer les gens pour les faire rêver avec toi quelques instants.

Je crois qu’au fond de moi, j’ai toujours redouté ce moment. C’est un si merveilleux moment et en même temps si compliqué à vivre. Tellement de paradoxes nous habitent ce jour de départ. Des larmes coulent mais des sourires les transpercent. Ton rêve se concrétise mais ma peur grandit. 

Te voilà embarqué pour plus de 1700 heures seul dans ta boite en carbone. Toi qui sur terre croque la vie à pleine dent il te faut maintenant ralentir le pas, vivre au rythme de ce que te dicteront les éléments et ce compagnon de feu. Parce que la vie de l’un dépend de l’existence de l’autre. Pas si solitaire notre marin…

Pendant que nous sommes confortablement installés dans notre canapé, tu te démènes de manière acharnée à faire en sorte de vous faire avancer. Avancer, toujours aller de l’avant, ne jamais stagner et encore moins reculer cela te caractérise si bien. 

Même si, j’ai une pleine confiance en tes capacités et en ta lucidité à toute épreuve, il n’en reste pas moins que pendant des semaines, nous allons vivre au rythme de tes nouvelles. C’est semblable à l’attente d’un enfant… Je me sens rassurée par une échographie mais la seconde d’après j’ai de nouveau peur. Il en est de même avec la cartographie de la course. Alors je me raccroche à quelques éléments factuels : te voir avancer et dans la bonne direction... Définitivement, je ne serai que pleinement rassurée lorsque tu franchiras cette ligne. Parce que oui, il ne peut en être autrement. Je t’attends à l’arrivée ! 

Ta soeur 🫶

© Josselin Didou - Qaptur

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